Par Maya, Jawadsoprano - le 26 décembre 2018

Le moustachu le plus célèbre du cinéma hindi fait figure — à l’instar de Sanjay Dutt — de pionnier, à l’heure où les « jeunes » ont pris le pouvoir (façon de parler, puisqu’il n’a que 5 à 10 ans d’écart avec les SRK, Aamir et autres Akshay).

Né en 1959 à Bombay, Anil Kapoor est très tôt conscient de sa destinée. Auprès de son père qui à l’époque commence à produire des films, il réalise en regardant les oeuvres de Raj Kapoor qu’il sera acteur, et rien d’autre, toute sa vie. Tout jeune, il fait une première apparition dans Shakti avec Amitabh Bachchan, et il abandonne rapidement ses études pour se consacrer aux cours d’art dramatique.

Après quelques petits rôles dans des films passés inaperçus, son frère Boney Kapoor devenu lui aussi producteur le lance dans Woh Saat Din en 1983, un film atypique qui remporte un succès critique et public. Sa performance de jeune musicien innocent est appréciée et c’est alors qu’il est appelé par plusieurs producteurs. C’est Yash Chopra qui le fait remarquer au grand public pour son rôle de vagabond dans Mashaal (1984) aux côtés de Dilip Kumar, un film très touchant où il réussit à tenir tête à un monstre du cinéma hindi. A partir de là, les rôles vont se succéder et il va souvent jouer le tapoori (vagabond) que ce soit dans Karma, Awaargi ou Janbaaz. En 1987 c’est le phénomène Mr. India qui le propulse "acteur du moment". Produit modestement par la famille (Surinder et Boney), le film va enchanter petits et grands et restera comme un des plus grands divertissements du cinéma hindi, grâce notamment aux effets spéciaux et aux interprétations d’Anil et de Sridevi, mais aussi à la réplique-culte de son méchant, Amrish Puri : « Mogambo Khushi Hai » (Mogambo est content).

Il est l’un des principaux héros des années 90, entre « l’ère Big B » et « l’ère des Khan ». Ses partenaires principales sont Sridevi et Madhuri Dixit, les plus grandes stars de cette époque, avec lesquelles il a énormément tourné. Sridevi est d’ailleurs devenue sa belle-sœur en épousant Boney Kapoor.

C’est une période faste pour Anil Kapoor, il enchaîne rapidement des succès comme Tezaab et Ram Lakhan, il travaille avec les plus grands producteurs, Subhash Ghai (Meri Jung, Ram Lakhan), Rakesh Roshan (Kishen Khannaya), Yash Chopra (Vijay) et Vidhu Vinod Chopra (Parinda). Alors au sommet, il aiguille sa carrière comme bon lui semble et il va souvent prendre le public à contre-pied en interprétant des rôles risqués dans des films moins commerciaux : déficient mental dans Eeshwar, amant possessif dans Awaargi ou quadragénaire troublé par une adolescente dans Lamhe. L’énorme échec de ce film de Yash Chopra, dont le propos est jugé trop avant-gardiste, va marquer un tournant et il n’hésite pas à s’orienter vers des rôles plus consistants, sans calculer le potentiel économique des films (1942- A Love Story, Roop Ki Rani). Des expériences qui ressemblent à des coups de poker, s’avérant parfois de véritables désastres financiers. Il sait cependant aussi choisir des films au succès prévisible, et continue à alterner des rôles à contre-emploi et des productions commercialement viables (Beta, Laadla).

Vers la fin des années 90 et le début 2000 il enchaîne de nouveaux succès commerciaux (Judaai, Taal, Biwi N°1 et Hum Aapke Dil Mein Rehte Hain) et des rôles forts (Virasat, Nayak). Malgré l’arrivée de nouveaux acteurs il réussit a garder son rythme et sa notoriété en apparaissant en tête des génériques de grosses productions.
En 2004, il revient après une année sabbatique dans l’excellent Musafir, totalement relooké, sans sa moustache et avec un style très urbain qui colle au film. Il a d’ailleurs toujours joué avec son apparence pour rendre ses rôles crédibles au maximum : rasé (Lamhe et Salaam-E-Ishk), fashion victime à la MTV (Taal), vieilli (Eeshwar) ou travesti (Jhoot Bole Kawa Kaate).

Alors que certains récemment n’hésitaient pas à dire qu’Anil Kapoor n’était plus un acteur fiable au box-office, en 2005 il joue le rôle principal du plus gros succès de ces dernières années, la comédie No Entry, qui le remet complètement au premier plan en mettant en valeur ses capacités de comique. Cette même année le voit aussi dans un rôle grave dans My Wife’s Murder, où il tue sa femme de façon non intentionnelle, son interprétation a d’ailleurs été saluée par la critique alors que le public l’a préféré dans No Entry.

En 2007 - 2008 on dirait qu’il a décidé de s’amuser en montrant une prédilection pour les rôles excessifs où il parodie joyeusement le style gangster avec des personages déjantés (Welcome, Race, Tashan). Mais Black & White est là aussi, comme pour nous rappeler son potentiel dramatique, et il participe au très remarqué Slumdog Millionaire du Britannique Danny Boyle.

À noter : en 2006 il devient producteur de Gandhi My Father, salué par la critique.

Contrairement à beaucoup d’acteurs, il reste discret sur sa vie de famille. Marié à Sunita Kapoor, il a un fils et deux filles, dont l’aînée, Sonam, a été assistante de Sanjay Leela Bhansali sur Black, et tient la vedette de Saawariya. Loin du star-system, Anil Kapoor participe peu aux soirées people.

Il a gagné pourtant de nombreuses récompenses dont les Filmfare Awards de meilleur acteur pour Virasat, Beta, Taal et Tezaab, et le National Award 2001 pour Pukar ; des récompenses distribuées tout au long d’une carrière de près de trois décennies. Une longévité assez impressionnante à l’heure actuelle, où rares sont les acteurs hindis de premier plan à avoir su aborder la cinquantaine avec autant de talent, de présence et de constance.