Ungli
Traduction : Doigt d'honneur
Langue | Hindi |
Genres | Polar, Comédie dramatique |
Dir. Photo | Hemant Chaturvedi |
Acteurs | Sanjay Dutt, Emraan Hashmi, Kangana Ranaut, Randeep Hooda, Neil Bhoopalam, Neha Dhupia, Angad Bedi |
Dir. Musical | Salim-Suleiman, Sachin-Jigar, Guljar Singh, Aslam Keyi |
Paroliers | Amitabh Bhattacharya, Kumaar, Manoj Yadav |
Chanteurs | Vishal Dadlani, Neeti Mohan, Dev Negi, Anushka Manchanda, Gulraj Singh, Armaan Malik, Shipra Goyal |
Producteurs | Karan Johar, Hiroo Yash Johar |
Durée | 114 mn |
Sa maison, Dharma Production, a été à l’origine de beaucoup de blockbusters, aussi un nouveau film produit par Karan Johar est comme d’habitude attendu au tournant. Ungli n’a pas fait exception à la règle, deuxième réalisation de Renzil D’Silva après le très moyen Kurbaan, déjà produit par Karan. Le metteur en scène avait par ailleurs été le scénariste de Student of the Year. La réception de cette comédie policière, sortie à la fin novembre 2014, a été plutôt mitigée. Le film n’est certes pas sans défaut, mais a des qualités qui méritent qu’on aille y voir de plus près.
Un groupe de quatre amis, mené par Abhay (Randeep Hooda), journaliste criminel pour une chaîne de télévision, et composé de Maya (Kangna Ranaut), interne dans un hôpital, Goti (Neil Bhoopalam), spécialiste en informatique, et Kalim (Angad Bedi), propriétaire d’un garage, déçu par l’inertie de la police et des autorités, passe à l’action en s’attaquant de façon originale à toutes les formes possibles d’injustice, de corruption et de détournement de biens publics. Formant le « Ungli gang », ils affolent rapidement nombre d’instance qui voient, dans ces insaisissables et irrévérencieux voyous, une menace certaine. A la demande de son supérieur, l’ACP Ashok Kale (Sanjay Dutt) est mis sur l’affaire. Se rendant compte que la bande est probablement composée de jeunes gens éduqués et non de truands violents ou de tueurs, il fait discrètement appel à son protégé, Nikhil (Emraan Hashmi), fils d’un ami mort en service et jeune policier, tout aussi déjanté et idéaliste que les membres du gang dont l’emblème se passe d’explications.
Comme Nikhil raisonne et agit entièrement à leur façon, il va tenter d’infiltrer l’Ungli Gang en organisant des actions sous leur nom, puis en posant masqué devant un graffiti identique à celui devant lequel Abhay est filmé lorsqu’il revendique une opération au nom du groupe. On se doute que cela va compliquer les choses. Vont-ils l’intégrer à leur petite association ? Et s’ils lui accordent leur confiance, Nikhil trahira-t-il ses nouveaux amis au nom d’une morale supérieure ? De surcroit, l’amour pourrait bien s’en mêler…
Sur le mode de la facétie, surtout dans la première partie, Ungli dénonce la corruption à tous les étages de la société indienne. A cet égard, on peut rapprocher ce long métrage d’une autre comédie de 2014, Boothnath returns. Cependant là où Nitesh Tiwari finissait par s’engluer maladroitement dans une leçon d’éducation civique, pesante à force d’être insistante, Ungli, aidé par un format court — moins de 2 heures —, parvient à garder un ton léger en dépit de moments plus dramatiques voire mélodramatiques, parfaitement indispensables à toute comédie masala qui se respecte. Car on ne quitte pas le divertissement familial et après les gags franchement hilarants du début, parfois à la limite du happening surréaliste, on s’étonne que certains critiques aient pu dénoncer le manque de réalisme d’autres séquences, ou voir une faiblesse scénaristique dans la deuxième partie, lorsque l’histoire se fait par moments plus grave. Du début à la fin, on reste pourtant dans un registre comique. Et au moment du dénouement, le spectateur est réintroduit dans la même veine drolatique qu’au début.
On ne racontera pas les opérations punitives dont sont victimes les pourris auxquels s’attaque le quatuor déjanté de l’Ungli Gang, pour ne pas gâcher le plaisir. Voir leur tête au moment du châtiment est assez jouissif et vous vous surprendrez certainement à jubiler devant quelques-unes des punitions inventées par les joyeux compères, et à penser que vous auriez volontiers fait subir le même sort à quelques crapules ou malotrus croisés dans la vraie vie. Sinon, c’est que vous n’avez jamais eu affaire, par exemple, à un chauffeur de taxi qui refuse une course parce que la distance est trop courte. Précisons que malgré un titre plutôt racoleur, le film ne sombre jamais dans la vulgarité et garde une grande fraîcheur.
Là où le scénario pêche en revanche, c’est dans le développement de certaines pistes, refermées à peine entrouvertes. La relation entre Maya et Nikhil est sous-exploitée, c’est dommage. Celle entre Abhay et sa collègue, Teeshta (Neha Dhupia), est un peu mieux traitée, mais n’apporte pas grand chose à l’intrigue. Renzil D’Silva, qui est son propre scénariste, donne l’impression d’avoir voulu partager son film équitablement entre ses deux stars, une moitié pour Randeep Hooda, une moitié pour Emraan Hashmi. C’est l’aspect le plus maladroit de Ungli et c’était le piège d’une histoire à personnages multiples. L’équilibre est difficile à trouver. Encore un regret, la place accordée aux rôles féminins est décevante. Kangna Ranaut donne l’impression d’avoir été un alibi. Il fallait un membre féminin dans la bande, ce fut elle, mais son personnage est bâclé. C’est à peine moins vrai pour celui de Neha Dhupia qui est en rivalité professionnelle avec Abhay-Randeep, lequel est bien déterminé à la séduire.
Heureusement le film est porté par les principaux acteurs, très bons. Citons Randeep, bien sûr, pour lequel la rédactrice du présent article a un faible, mais aussi Emraan, parfait en héros pris entre deux idéaux, Kangna, qui fait ce qu’elle peut, et enfin Neha. Sanjay Dutt, qui décidément ne semble jamais avoir autant tourné que depuis qu’il a été condamné à la prison ferme, peine davantage à nous faire croire à son rôle de flic intègre. Mais son actualité récente brouille peut-être le jugement. Les deux autres membres du gang, Angad Bedi et Neil Bhoopalam, sont agréables mais plus quelconques et quasiment interchangeables. Ce n’est pas très grave, parce que Arunoday Singh arrive à point nommé pour une brève apparition bienvenue et plutôt à contre-emploi.
L’image est soignée, surtout en ce qui concerne les scènes de nuit. Comme pour Kurbaan, c’est Heman Chaturvedi qui en est à l’origine. Il a aussi travaillé avec Ram Gopal Varma et Vishal Bhardwaj Décidément beaucoup de jeunes cinéastes indiens se font une spécialité depuis quelque temps des scènes urbaines nocturnes et exploitent à fond la photogénie de Bombay. On pense par moments à des films au ton plus grave, Monsoon Shootout ou Talaash par exemple.
On prend également pas mal de plaisir avec la bande-son, bien qu’elle ne surprenne pas vraiment. Le premier morceau Dance Basanti est l’occasion d’un item-number de Shraddha Kapoor sans grande originalité mais plutôt agréable à l’œil, surtout à un œil masculin. Plus touchante est sans conteste la mélodie Pakeezah, composée et chantée par Gulzar Singh, qui rassemble les quatre amis et leur nouveau complice et accompagne le début de romance entre Nikhil et Maya. Quoique ! La chanson triste du film, Aulia, du duo Salim-Sulaiman et que chante Armaan Malik, n’est pas mal non plus.
Mais, faites-vous donc votre propre opinion. Car, vous l’aurez compris, malgré des défauts, Ungli fait passer un très bon moment. C’est un film distrayant, sans réelle prétention moralisatrice, déjanté et souvent à la limite du potache, qui cible un public adolescent ou familial. Deux parfaites heures de détente, idéales en particulier pour succéder à une semaine de travail accablante.