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Pithamagan

Traduction : Fils des anciens

Bande originale

Adadaa Aghangaara Arakka Kaigalil
Aruna Runaam
Elangaathu Veesudhey
Elangaathu Veesudhey - Solo
Kodi Yethi Vaippom
Piraiye Piraiye

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La critique de Fantastikindia

Par Suraj 974 - le 14 octobre 2004

Note :
(9/10)

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Pithamagan c’est l’histoire d’un petit groupe de marginaux : Chithan un personnage étrange et solitaire (Vikram), Shaktivel un petit voyou (Surya), Gomathy une revendeuse de drogue (Sangeetha) et Manju une étudiante (Laila). Chithan est né dans un cimetière dont le fossoyeur l’a élevé. C’est un être inquiétant qui n’ouvre guère la bouche que pour chanter les chants funéraires, ou pour émettre des cris indistincts qui font penser à une bête sauvage. Et c’en est effectivement une. Il peut rester prostré dans la même position pendant des heures, et soudainement être pris d’accès de violence dévastateurs qui lui font massacrer sans distinction tous ceux qui se trouvent aux alentours. A la mort du fossoyeur, il est pourtant bien obligé de sortir et de se confronter au monde pour pouvoir survivre.

Après avoir passé plus de 20 ans coupé de tout contact humain, il n’est évidemment pas habitué à la vie en société. Il vole et frappe tout ceux qui l’approchent. Il rencontre Gomathy (Sangeetha), une dealeuse travaillant pour le compte du Parrain local. Elle le prend sous son aile pour lui éviter d’autres désagréments et essaie de l’aider, en lui trouvant un travail au noir.

De son côté, Shakti (Surya) est un voyou au grand cœur, qui parcourt le pays en train avec sa petite bande, pour gagner sa vie par des moyens tout aussi divers que malhonnêtes et drôles. Lorsqu’il rencontre Chithan (Vikram), il se prend d’affection pour lui et décide de l’aider. Il va peu à peu mettre à jour la part d’humanité qui sommeillait en lui. Il devient en quelque sorte son grand frère (Pithamagan) et, malgré leurs personnalités diamétralement opposées, une amitié indéfectible se noue entre eux. Tel le Ying et le Yang, avec leur humanité pour seule arme, ils vont affronter ensemble la perversité de la société et la dure loi des hommes, qui pour des questions d’argent sont prêts à tout.

Pithamagan nous offre toute une galerie de personnages, tous plus attachants les uns que les autres. On se prend d’autant plus facilement d’affection pour eux qu’un soin particulier a été apporté à leur psychologie, qui les rend tous parfaitement crédibles. La qualité des interprétations est absolument remarquable, tous les acteurs et actrices jouent parfaitement juste, sans jamais en rajouter inutilement.

Le personnage de Chithan, interprété par Vikram, est des plus déconcertants. C’est un personnage très sombre, macabre, car cerné par la mort, où qu’il aille et quoi qu’il fasse. Sa vie a commencé là où se termine celle des autres. Sa mère est morte en lui donnant la vie. Ses accès de violence lui font semer la mort autour de lui. Mais c’est à la mort de celui qui l’a élevé que sa vie commence vraiment. Où qu’il aille la mort ne le quitte jamais vraiment.

Vikram réalise une vraie composition, il donne même à Chithan une âme. Malgré son mutisme, il arrive à faire passer les humeurs et les émotions de son personnage, rien que par le regard et le jeu corporel. Ses yeux peuvent être effrayants lors des crises de violence, et adopter au fur et a mesure du film une douceur et une naïveté insoupçonnées. Il ne sait pas se maîtriser et suit systématiquement ses impulsions, qui le poussent à une violence parfois extrême. Pithamagan nous réserve de nombreuses scènes de bagarres. Vikram les exécute très bien, et surtout toujours dans le même souci de cohérence et de composition, il adapte sa façon de se battre à son personnage. Ici, il n’y a pas de chorégraphie : il se bat de façon parfois très désordonnée et animale, en adéquation avec l’instabilité bestiale du rôle.

Chithan représente un aspect sombre et inquiétant de l’âme humaine, contrebalancé par le personnage de Shakti. Ils sont diamétralement opposés, l’un est négatif et l’autre résolument positif. L’un sort des ténèbres, l’autre illumine l’écran et le monde qui l’entoure.

Autant Chithan à un rapport conflictuel au monde, autant Shakti vit les deux pieds dans la réalité. Il est expert en jeux d’argent, maîtrise l’art du baratinage et peut vendre n’importe quoi à n’importe qui. Il voit toujours les choses du bon côté, et son positivisme inébranlable finit par déteindre sur Chithan qui, grâce à lui, voit sa carapace de pierre se fendiller et devient plus humain. Shakti est un personnage doté d’une sincère humanité, qui inspire une immense sympathie chez tout ceux qu’il rencontre, spectateurs compris. Ses apparitions apportent souvent un vent de folie au film. Ses disputes avec l’hystérique Manju sont de grands moments de comédie, il y a une alchimie comique évidente entre eux qui vaut vraiment le détour et est pour beaucoup dans le plaisir qu’on prend à voir le film. Il faut aussi voir le passage mémorable où Chithan et Shakti tombent sur le tournage d’un film et décident d’en enlever l’actrice principale, Simran ! (dans son propre rôle). Ils l’emmènent et la font danser au son d’un medley de chansons des années 60 et 70, vraiment mémorable.

Surya réalise une performance largement équivalente à celle de Vikram, dans un registre diamétralement opposé. Il parvient lui aussi à rendre crédible son personnage, lui donnant une exubérance et une énergie comique telle qu’on en oublie l’acteur derrière le personnage. Un magnifique travail de composition, là encore. Il s’est lui aussi complètement fondu dans son rôle, modifiant notamment son apparence physique. Il a pris de la musculature et du bronzage, pour coller à son personnage de vagabond accoutumé à l’errance et à la vie des rues. Au niveau vestimentaire aussi, il adopte le style des "rowdy" qui imitent les stars de cinéma et leurs tenues colorées, et il joue sans maquillage.

Le cinéma lui-même est d’ailleurs très présent dans le film, puisqu’il se déroule dans un milieu de petites gens pour qui il constitue le divertissement par excellence. On ne s’étonne donc pas de les voir chanter une chanson de film connue au détour d’un dialogue, de les voir jouer aux cartes avec des photos d’acteurs, ou même de les voir pleurer au cinéma devant le film Anbe Sivam.

La musique ici réalisée par le maître IllayaRaja, est excellente. Calme, mélodique, tout en douceur, elle vient soutenir les émotions des personnages et les impressions que suscite l’histoire. Les mélodies sont vraiment admirables, on retiendra notamment la chanson « Elangathu », très harmonieuse, et la chanson titre « Pirayae », dédiée à Chithan, qui présente le personnage d’entrée de film. IllayaRaja à également composé toute la bande son du film, qui reste dans les mêmes tons doux et mélancoliques que les chansons. Le tout est envoûtant et vient accompagner le film, lui donnant une grande unicité et ajoutant encore au charme des images.
La photographie très réussie, réalisée par Balasubramanien, insiste principalement sur les tons verts lorsque l’histoire se déroule dans les forêts et villages du Tamil Nadu, ainsi que des tons plus ocres et pâles pour les passages en ville ou dans la prison. Les éclairages dans la prison et la mise en image des chansons sont très travaillés. Techniquement, le film a fait preuve d’une exigence rare, qui transparaît totalement à l’écran.

Pithamagan est un film vraiment novateur. Le script ne cesse d’étonner par son inventivité. Ce genre d’histoire est tout simplement du jamais vu dans le cinéma indien à ce jour. Le scénario garde les éléments traditionnels des films indiens : histoire d’amour et d’amitié, jalousie, vengeance, musique et danses, mais les adapte à sa manière, pour donner un résultat inédit.

Les scènes de combat et les scènes de comédie contrebalancent efficacement les moments dramatiques, et le tout reste si parfaitement équilibré qu’on ne bascule jamais vraiment dans la comédie pure ou dans le drame, encore moins dans le film d’action. A ce niveau, le film fait preuve d’une remarquable maîtrise de la réalisation et de la mise en scène. C’est un film inclassable, qui emprunte à plusieurs genres et qui parvient à traiter d’un sujet peu conventionnel tout en restant accessible à tous.

Troisième film réalisé par Bala, Pithamagan est donc de loin son meilleur. Comme une sorte d’aboutissement de ses deux précédentes réalisations, il en réunit aussi les deux acteurs principaux : Vikram et Surya. Autant Sethu pouvait paraître un peu brouillon, autant ici il fait preuve d’une vraie maîtrise.

On commence déjà à discerner au fil de ses films les éléments et les thèmes caractéristiques d’une œuvre prometteuse. On notera surtout un intérêt marqué pour les personnages marginaux blessés par la vie, des hommes forts en apparence mais psychologiquement fragiles, et une violence aussi bien physique que morale omniprésente qui n’empêche pas les sentiments.
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Bala s’affirme avec ce film comme un auteur à part entière, sachant conjuguer avec succès ses exigeances et les attentes du public. Il confirme qu’il est l’un des réalisateurs indiens actuels les plus atypiques et sûrement le plus intéressant depuis rien moins que Mani Ratnam.

Pithamagan est à part dans le cadre du cinéma indien, il ne ressemble à rien de ce qui a été fait jusqu’à présent. Dans une industrie qui se complaît trop souvent dans des remakes ou des réadaptations, il propose quelque chose de totalement nouveau, un sujet original doublé d’un divertissement efficace. La critique comme le public ne s’y sont pas trompés et en ont fait l’un des plus gros succès de l’année 2003 dans tout le Sud de l’Inde.

Il ne reste plus qu’à le voir distribué plus largement dans le monde. Au vu de l’exigence dont il a fait l’objet, il a assurément les moyens de séduire un public plus large que celui du seul sous-continent indien. Reste à savoir si ce public, lui, est prêt…

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