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Khoya Khoya Chand

Traduction : La Lune perdue

Bande originale

Chale Aao Saiyan
Khoya Khoya Chand
Khushboo Sa
O Re Paakhi
Sakhi Piya
Thirak Thirak
Yeh Nigahein

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La critique de Fantastikindia

Par Julie, Marine - le 6 mars 2012

Note :
(7.5/10)

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Les films qui parlent du cinéma font régulièrement les beaux jours du box-office du sous-continent indien. Il suffit de penser à Om Shanti Om ou, plus récemment, à The Dirty Picture. Sorti la même année que le premier, Khoya Khoya Chand, film à petit budget (7 crore), n’a pas bénéficié du même succès. Alors pourquoi en parler ?

Khoya Khoya Chand suit le parcours de deux jeunes gens : Nikhat (Soha Ali Khan) et Zaffar (Shiney Ahuja), et à travers eux le cinéma indien de 1954 à 1965. Près d’une décennie pour voir les rouages de la machine auprès de Nikhat. Celle-ci, orpheline, a été prise en charge par une ancienne actrice qui la pousse sur la même voie qu’elle. Le cinéma n’est pas seulement un rêve, c’est avant tout une façon d’assurer sa subsistance, et donc tous les moyens sont bons pour parvenir à ses fins. C’est ainsi que Nikhat se rapproche de Prem Kumar, un grand acteur, devient sa maîtresse et la nouvelle héroïne à la mode. Un jour, elle rencontre Zaffar, écrivain tourmenté, qui se fait remarquer en tant que scénariste et à qui on demande d’être le répétiteur de la jeune femme. Avec lui, elle prend son indépendance vis-à-vis de Prem Kumar et ils tombent amoureux…

L’histoire de ces deux personnages liés au monde du cinéma ne fait que mettre en lumière les inconvénients de telles relations. En effet, les rêves de chacun qui se concrétisent dans leurs carrières respectives ne sont pas toujours compatibles. Dès lors, qui doit céder ? Comment gérer les sentiments ? On en vient à se demander si tous les couples formés dans le milieu du cinéma, et dont l’on suit attentivement les nouvelles dans les journaux people, ont connu ce genre de crise.

Par ailleurs, la tiédeur du personnage de Zaffar ne fait que mettre en valeur l’intensité de celui de Nikhat. Cette intensité est d’une part positive : Nikhat est une femme qui se donne les moyens de vivre heureuse. Mais on retrouve cette force dans sa douleur et son autodestruction. C’est un personnage qui ne peut pas être dans la demi-mesure et qui, étonnamment, est attiré par Zaffar, un être refoulé ne possédant pas le même éclat qu’elle.

En ce qui concerne la distribution, Vidya Balan était pressentie pour jouer le rôle de Nikhat mais elle n’a pu le faire pour une question d’emploi du temps (au final, elle a joué un rôle similaire dans The Dirty Picture en 2011, mais avec le succès que vous connaissez). C’est donc Soha Ali Khan qui a eu le rôle. Elle s’est d’ailleurs fait aider par sa mère Sharmila Tagore pour jouer le personnage. Elle a même appris la danse et l’urdu. Le film aurait-il eu plus de succès si Vidya avait pu interpréter le rôle principal ? Difficile de l’imaginer tant Soha Ali Khan habite le personnage de Nikhat. Car oui, ici, Soha Ali Khan est une véritable révélation, elle n’est jamais dans le surjeu, tout est juste, vrai. Certes, en 2007 elle n’est plus une inconnue : elle a déjà une petite place dans le monde du cinéma indien depuis Antarmahal, Rang de Basanti et Ahista Ahista. Nous, qui ne l’avions jamais vue auparavant, avons toutes deux été bluffées. D’ailleurs, si KKC n’a pas été un hit, le jeu de l’actrice principale a néanmoins été reconnu. Sans avoir le physique de certaines actrices de sa génération, elle crève littéralement l’écran, c’est un pur bonheur de la voir. Dans le film, son personnage reçoit un filmfare, on n’est pas loin de penser qu’elle aussi le mériterait largement. Son partenaire Shiney Ahuja n’est pas en reste, même si Soha Ali Khan l’éclipse en partie. Ils donnent tous deux à leurs personnages blessés et orgueilleux ainsi qu’à leur relation destructrice, une aura lumineuse.

Pour les seconds rôles, le directeur de casting n’a pas failli à sa tâche non plus. De l’acteur trop populaire et égocentrique, Rajat Kapoor (Le Mariage des Moussons), à l’agent effacé en passant par l’actrice à son apogée qui se voit évincée par la jeune Nikhat, Sonya Jehan, ils se découvrent tout en finesse et en intelligence.

Le réalisateur nous livre une vision très intéressante du cinéma -volontairement exilée à la fin des années 50 et au début des années 60, mais qui pourrait encore être valable sur bien des points. Evidemment, on se doute bien que ce monde-là n’est pas tendre, seulement, là où Om Shanti Om traitait le sujet avec humour et parfois quelques clichés, KKC semble plus réaliste. Et effectivement, nos héros ont leur part de déboires. C’est l’envers du décor. Tout y passe, producteurs, acteurs, réalisateurs. On nous montre ce par quoi certaines actrices doivent passer afin de décrocher des rôles (à savoir le lit des réalisateurs ou acteurs peu scrupuleux). Il y a aussi Zaffar qui s’investit corps et âme pour réaliser le film de sa vie avec soin, minutie et même perfectionnisme… mais c’est un film qui ne marche pas (ce qui pourrait relever de la prophétie dans le cas de Khoya Khoya Chand). Malgré cela, jamais Sudhir Mishra ne tombe dans la mièvrerie. Comme dans Chameli, il réussit à ne pas sombrer dans le sordide alors que cela aurait pu être chose facile.

« Belle » est le premier mot qui vient à l’esprit pour parler de la réalisation ; « brute » aussi. Les images frappent et prennent le spectateur dès la première scène. C’est une belle réalisation, sensible, artistique, profonde, élégante et pudique par rapport à certaines séquences qui auraient pu virer au voyeurisme. Tout y est, de belles images, une belle lumière étudiée. On joue avec le clair-obscur, les ombres, les flashes des photographes, les tissus… Le tout dans une ambiance tamisée. On a réellement l’impression de regarder une pellicule des années 60, avec un aspect fumé, jauni comme sur les vieilles photos. Cela donne un éclat particulier au film.
On a parfois l’impression d’être laissée au bord de l’action, comme dans un documentaire (d’ailleurs, le film cherche à coller au plus près du réel comme le montrent les commentaires à la fin). Dans le même temps, on est au plus près des acteurs. La faute ou non (cela dépend du spectateur) aux multiples plans utilisés : travelling avant, arrière, mouvements circulaires, plongée, gros plan. Tous sont utilisés en l’espace d’une scène. Ce qui donne un certain rythme, un mouvement bien qu’on ait parfois l’impression que le film est dans une « bulle », comme si on regardait dans une boule à neige.

Julie : Si je laissais aller mon côté littéraire, je vous dirais que ça vient aussi de la multiplication des situations d’énonciation… On alterne entre flashbacks et voix-off narrative pour être à nouveau, la minute d’après, en plein cœur de l’histoire. C’est assez déstabilisant mais cela a très bien marché sur moi.

Il y a une mise en abîme constante. La caméra filme le monde du cinéma et donc des plateaux de tournage avec d’autres caméras qui filment les acteurs. On est sur deux niveaux. D’ailleurs, certains rôles comme celui de l’acteur Ravinder n’existent que pendant le tournage des films auxquels on assiste. Il n’est presque pas présent dans l’action principale, on ne le voit qu’au travers des rôles qu’il interprète. Il va même jusqu’à interpréter le rôle de Zaffar.

Pour ce qui est de la musique, le compositeur a collé à l’époque avec des mélodies aux accents rétro très sympathiques et douces. On alterne entre les ballades mélancoliques et les sonorités plus gaies voire « guillerettes ». Il y a quelques morceaux aux sonorités très jazzy qui rappellent les comédies musicales américaines, comme Yeh Migahein. La chanson-titre Khoya Khoya Chand est très envoûtante et va crescendo. Notre coup de cœur revient à Thirak Thirak, qui marque le bonheur tardif. L’ensemble compose une bande son très belle.
Avec le procédé de mise en abîme du film dans le film, les seules parties dansées et chantées sont, en général, celles qui font partie des scripts des films en tournage. Mais là réside toute la beauté de ce film : elles collent parfaitement à l’histoire des personnages. Seule la chanson-titre fait exception puisqu’il s’agit d’une fête « dans la vraie vie ».

Le mot de la fin de Marine : Ce film est une vraie réussite visuelle et esthétique. La reconstitution de cette autre époque est très soignée, seulement, on ne peut s’empêcher de comparer KKC à un documentaire : très beau, très réaliste, mais qui laisse le spectateur en dehors. C’est dommage.

Note de Marine : 6.5/10


Le mot de la fin de Julie : Je dois avouer mon scepticisme de départ et finalement, eh bien j’ai aimé ! Je me suis surprise à regarder les images avec avidité, à vouloir connaître la suite, pourtant on ne peut pas dire qu’il y ait du suspense, et quand le générique est arrivé, j’étais vidée.
En bref, ce film DOIT faire partie d’une DVDthèque Bollywood et être montré à vos amis qui pensent que le cinéma indien, c’est kitsch et potache, ou encore qu’à part les mariages, les réalisateurs ne savent rien filmer d’autre. Si vous voulez tout savoir, Khoya Khoya Chand est à mes yeux, un pur hommage au cinéma indien et au septième art, au même titre que l’est The Artist (on est en plein dedans, autant en profiter). De plus, j’ai apprécié le fait que le film traite de thèmes peu communs pour un Bollywood, à savoir les blessures et les mensonges de l’enfance, du manque de repères et de la difficulté de construire une vie adulte sur des bases si fragiles. Et, chose étonnante, l’action a beau se passer dans les années 1950-1960, il y a une modernité de ton indéniable qui manque dans les films sortis récemment.

Note de Julie : 9/10


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