Chameli
Traduction : Jasmin
Langue | Hindi |
Genre | Comédie dramatique |
Dir. Photo | Aseem Bajaj |
Acteurs | Kareena Kapoor, Rahul Bose, Yashpal Sharma, Makrand Deshpande, Rinke Khanna, Pankaj Jha, Kabir Sadanand |
Dir. Musical | Sandesh Shandilya |
Parolier | Irshad Kamil |
Chanteurs | Sunidhi Chauhan, Udit Narayan, Javed Ali |
Producteurs | Pritish Nandy, Rangita Pritish Nandy |
Durée | 108 mn |
Une prostituée jouée par la fille bénie des dieux de l’industrie bollywoodienne, associée à un acteur qui fréquente plutôt le cinéma d’auteur, et une première partie de 50 minutes où les deux comédiens sont confinés, de nuit, sous des arcades de quelques m2, pour se protéger de la pluie : c’est à se demander à quoi pensait Sudhir Mishra le premier jour du tournage de son film !
Et pourtant, cette jolie prise de risque a payé, le réalisateur ayant réalisé un très réussi Chameli !
Le film commence par une fête glamour, où des femmes, belles et sensuelles, chantent et dansent : rien que du très "Bollywood" en somme. Mais le héros, Aman Kapoor (Rahul Bose), n’a rien d’un jeune premier : au lieu de s’occuper de ses invités, conviés pour parler "business", il s’enfuit de sa propre fête, ennuyé, fatigué et surtout angoissé par la pluie battante qui ruisselle sur les vitres.
On trouve nettement moins de glamour dans la chambre des prostituées où nous emmène la séquence suivante : les femmes papotent, se préparent pour le "travail", et parmi elles la jeune Chameli (Kareena Kapoor) affirme déjà son fort caractère. Personnellement je trouve toujours Kareena Kapoor plus jolie et séduisante dans ses rôles les moins sophistiqués, comme Refugee, Asoka ou dernièrement Jab We Met : ici, elle n’est pas tirée à quatre épingles, brushing et maquillage ne sont pas l’œuvre d’experts L’Oréal, et c’est tant mieux, Kareena va pouvoir nous émouvoir.
Cette nuit-là il pleut donc sur Bombay et la voiture d’Aman ne redémarre plus, son portable ne capte évidement pas, et personne ne semble disposé à l’aider. La nuit s’annonce longue, semble-t-il penser alors qu’il se réfugie sous des arcades, mais c’était sans compter sur la présence de Chameli, qui pense elle d’abord flairer le bon client. Mais très vite les choses sont claires, Aman n’est pas là pour consommer, et d’ailleurs Chameli, la démarche et le rire volontairement vulgaires, n’est vraiment pas son genre. De son côté, elle aussi n’apprécie pas cette compagnie inattendue, qui fait fuir les clients et se mêle d’affaires qui ne le regarde pas. Pendant cette cohabitation forcée, ils vont pourtant faire la conquête l’un de l’autre.
Chameli est un film subtil, réaliste, mais qui reste très optimiste : ce n’est apparemment pas le but du réalisateur de faire un état des lieux de la misère et de la prostitution à Bombay. Chameli est une prostituée qui croit en l’amour et ici on parle surtout d’amour et d’entraide entre les gens de la rue qui gravitent autour de la jeune femme : petit vendeur de chaï, amoureux clandestins, sans-abris.
Cependant le réalisateur effleure avec habileté une multitude de sujets sérieux : la police corrompue qui est intouchable, les hijras, l’homosexualité, et le sida qui rode. Il frappe parfois juste en quelques secondes pour dénoncer une situation, comme dans la scène où Aman se retrouve en garde à vue au milieu des petits escrocs et autres fous, les laissés-pour-compte de la ville.
Même si Chameli affiche pendant presque tout le film un grand sourire, le réalisateur nous évite le mythe de la "prostituée heureuse". Kareena, qui alterne sang-froid, colère rentrée et espièglerie enfantine, joue avec un grand naturel : pour moi c’était sa plus belle performance jusqu’à Jab We Met. Elle forme avec Rahul Bose, un couple attachant et crédible : ce dernier nous livre une interprétation d’un homme sorti de son univers habituel, qui est moins extravertie mais qui ne manque pas non plus de charme.
Toute la première partie est volontairement théâtrale lorsque les personnages sont abrités de la pluie sous un long préau, ce qui donne l’occasion au réalisateur de s’amuser à utiliser les bruits du tonnerre et la tempête si chers aux films Bollywood traditionnels. Mais après environ 50 minutes, il y a une rupture de rythme, et le film prend un nouveau souffle quand les deux héros sont obligés de fuir ; en les suivant, nous découvrons alors une autre façade des bas-fonds de Bombay : sans-abris, bar à hôtesses, commissariat de police. Il y a aussi des passages drôles, avec par exemple un mac particulièrement mal à l’aise sur son lit d’hôpital ou éberlué devant un distributeur de billets. La progression de l’histoire est habilement menée et la seule faiblesse dont on peut accuser le réalisateur est l’utilisation de flash-backs inutiles pour raconter le deuil dont est victime le héros et la première expérience de prostituée de l’héroïne : c’est téléphoné et ça casse le rythme.
Deux très jolies chansons font beaucoup pour le charme du film. Dans Bhaage Re Mann, la pluie devient purifiante, on s’embrasse et on s’aime, et Kareena Kapoor dévoile son ventre, sensuelle en sari mouillé. L’autre chanson est Sajna Ne Sajna, avec la belle voix origninale de Sunidhi Chauhan, dont le clip se déroule dans un bar à hôtesses, avec une petite chorégraphie qui marche plutôt bien avec la musique entraînante.
Le constat que nous livre Sudhir Mishra est amer. Il semble nous dire que rester bon n’est pas facile, là où tout est business, échange de faveurs et corruption, et que pour s’en sortir, mieux vaut porter un costume et avoir le portefeuille et les relations qui vont avec. La police en prend pour son grade, et même si l’inspecteur épargne nos héros, le réalisateur ne semble pas porter cette profession dans son cœur.
Le film se termine à l’aube, sur la fameuse Marina Drive de Bombay : il ne pleut plus, c’est l’aube, un jour nouveau. Et il est temps pour les personnages de reprendre leur vie, indéniablement changée par les événements qu’ils viennent de vivre ensemble.