Yennai Arindhaal
Traduction : Si vous me connaissiez
Langue | Tamoul |
Dir. Photo | Dan McArthur |
Acteurs | Trisha, Anushka Shetty, Ajith Kumar, Vivek , Ashish Vidyarthi, Arun Vijay |
Dir. Musical | Harris Jeyaraj |
Paroliers | Thamarai, Vignesh Shivan |
Chanteurs | Chinmayi Sripaada, Benny Dayal, Karthik, Devan Ekambaram, Gaana Bala, Aalap Raju, Velmurugan, Vijay Prakash, Abhishek, Sunitha Sarathy, Mahathi, Emcee Jesz, Krishna Iyer, Kharesma Ravichandran, Mark Thomas, Priya Subramanian |
Producteurs | A. M. Rathnam, S. Aishwarya |
Durée | 168 mn |
Il y a deux ans maintenant sortait Yennai Arindhaal, un film policier de G.V. Menon, avec Ajith Kumar en tête d’affiche. En fan inconditionnelle de l’acteur, Marine n’avait pas perdu de temps pour visionner son dernier film et encouragea vivement Gandhi Tata à aller le voir lui aussi.
On vous propose de remonter le temps et de suivre leurs échanges à ce sujet : l’avant, le pendant et l’après séance de Gandhi Tata.
Marine : Tu as vu Yennai Arindhaal ?
Gandhi Tata : Je compte aller le voir demain soir au Publicis en sortant du boulot. J’espère voir Shamitabh dimanche, mais Yennai Arindhaal c’est la priorité !
Marine : Oui, Yennai Arindhaal est la priorité !!!
Gandhi Tata : Ça faisait un moment qu’un film n’avait pas eu d’aussi bonnes critiques, et en plus il clôture la trilogie policière de Gautham Vasudev Menon. Il avait débuté cette série avec Kaakha Kaakha en 2003, suivi par Vettaiyaadu Villaiyaadu avec Kamal Hasaan.
Marine : Même si j’ai adoré, il y a des trucs qui m’ont dérangé dans le film. On en parlera quand tu l’auras vu.
Gandhi Tata : Ça marche !
Gandhi Tata : Je suis en train de voir le film, c’est l’entracte. Pétard, il est bon, vraiment très bon !
Marine : Ajiiiiiiiiiiiiiith ! <3
Gandhi Tata : Qu’est-ce qui t’as dérangé en fait dans le film ?
Marine : Il y a une allusion à un flic corrompu, qu’on n’a jamais retrouvé, et la morale de l’histoire, comme quoi, l’équilibre des choses repose sur l’opposition entre un méchant et un gentil… hum je ne suis pas sûre d’y adhérer.
Gandhi Tata : Dans les films policiers indiens, le thème de la corruption est récurrent. Et parmi les ennemis jurés du héros on trouve parfois des flics pourris, qui sont souvent des menaces invisibles et sans visages. Ils agissent dans l’ombre pour mettre des bâtons dans les roues. C’est une sorte de métaphore pour rappeler que les incorruptibles, comme le personnage principal de Yennai Arindhaal, doivent composer avec un système gangrené.
Marine : Oui maîtresse !
Gandhi Tata : Concernant la morale, en fait, il n’y en a pas vraiment. La vision du réalisateur repose sur une image, celle d’un monde où le bien et le mal naissent, subsistent, se croisent et s’affrontent. Cependant, l’équilibre ne tient qu’à une chose, la victoire de l’un sur l’autre. D’ailleurs, dans le film, ce concept est très pertinemment transposé, avec ce drame dans l’enfance du héros représentant le véritable point de départ de l’histoire. Cet événement marque la naissance du bien et du mal, incarnés par les deux protagonistes principaux.
Marine : Au fait, j’ai la confirmation que mon engouement pour Ajith est tout à fait légitime. Hier, je suis allée voir pour la seconde fois le film et j’ai amené une amie dont c’était seulement le second film tamoul (le premier était I qu’elle a également vu avec moi). Elle a admis qu’Ajith avait « vraiment la classe ». Donc tout cela n’est pas le fruit de mon imagination.
Gandhi Tata : Je confirme. Encore plus quand il a un bon rôle. Captivant, on s’attarde sur le côté humain du policier, et Ajith était très juste et fidèle au personnage.
Marine : Ce qui est drôle, c’est que même si le méchant, Victor, est plutôt charismatique, beau gosse et sort les tablettes de chocolat à la place d’Ajith, cela n’enlève rien à l’acteur principal. D’ailleurs, j’ai l’impression que c’est une nouvelle tendance de mettre un méchant plutôt sexy. Avant on les reconnaissait parce qu’ils étaient vilains. Là, ils ont de moins en moins le physique de l’emploi. Enfin, j’ai trouvé l’adversaire à la mesure du héros.
Gandhi Tata : Gautham Vasudev Menon a toujours su choisir les antagonistes de ses films et il a effectivement tendance à soigner leur présentation, leur gestuelle et leurs répliques. Concernant Yennai Arindal, qui est le dernier volet de sa trilogie policière, le personnage de Victor s’inscrit dans la même lignée que les deux précédents méchants emblématiques de Kaaka Kaaka et Vettaiyadu Villaiyadu, Pandia et Amudhan Sukumaran. Il y a un lien profond avec le héros, à savoir une histoire commune avec une revanche à prendre. Victor est en quelque sorte le révélateur de la bestialité et du côté brutal de l’inspecteur Sathyadev qui renferme toute cette fureur derrière son uniforme et sa formidable maîtrise de soi. Sathyadev et Victor sont comme les deux faces d’une même pièce, l’une symbolise la force tranquille et l’autre est une bête enragée. Du combat de ces deux protagonistes, dépend l’équilibre et la fin du chaos. L’acteur Arun Vijay endosse avec conviction le rôle de Victor, avec effectivement un physique impressionnant, mais aussi une colère et une cruauté propres aux doubles maléfiques de cette trilogie. Je déplore toutefois, l’approche un peu superficielle de l’inimitié et la haine que le premier voue au second. Car si tout part d’une trahison, on ne ressent pas la véritable portée du geste et surtout l’immense détresse dans laquelle Sathyadev met Victor et sa famille, au moment de la fameuse révélation où le volte-face du flic intervient. Cet épisode charnière est le point de départ de leur affrontement et je trouve que l’écriture est faiblarde, car elle n’accorde pas autant d’importance à la déconvenue de Victor, qu’à la métamorphose de Sathyadev en superflic.
Marine : C’est vrai, la haine de Victor envers Sathyadev est un peu superficielle. Du côté des actrices, je trouve qu’en fait on ne la voit pas beaucoup Trisha. C’est dommage parce qu’elle est juste sublime. Non, en fait elle est tellement belle qu’il n’y a pas de mot pour la décrire.
Gandhi Tata : Et bien non, c’est dommage. Trisha était belle, de manière irréelle, je suis resté bloqué, on ne voit pas passer le temps quand elle est là. Trisha est radieuse comme un soleil et belle comme un cœur, elle est la touche d’espoir dans ce monde de brutes. Enfin, Anushka était assez irritante et totalement inutile. Elle aurait mérité un meilleur rôle que celui de la potiche qui tourne autour du héros.
Marine : Anushka, c’est la grande fille qui court après Ajith ?
Gandhi Tata : Oui, celle qui enchaîne les fashion faux pas du début jusqu’à la fin, et qui met mal à l’aise Ajith en lui faisant du rentre-dedans un peu bourrin.
Marine : Oui mais c’est Ajith, elle lui fait du rentre dedans parce que c’est lui, il est juste… Kyaaaaaaaaaaaaaaaa ! Bref, je la comprends un peu. Mais à côté de Trisha, elle ne fait pas le poids.
Gandhi Tata : Malheureusement, elle fait le poids, mais pas au niveau de la prestation.
Marine : Ça c’est vache !!!!
Gandhi Tata : Oui très, je m’excuse ! D’ordinaire, je n’attache pas beaucoup d’attention à ce genre de détail, mais dans le cas abordé, Anushka ne s’est surtout pas préparée pour ce film, et à la vue de sa carrière et à ce stade, c’est une faute professionnelle ! C’est une ancienne prof de yoga (ayant toujours eu un physique svelte) et sa prise de poids est volontaire pour les besoin d’un autre film — Size Zero — sorti au Tamil Nadu sous le nom d’Inji Iduppazhagi. La moindre des choses, c’est d’être capable de revoir l’écriture du rôle avec le scénariste, pour adapter la gestuelle et le style vestimentaire. Mais jouer le rôle d’une potiche, avec le physique d’une mère de famille, ça provoque un profond malaise chez le spectateur. Donc oui, c’est un peu de la méchanceté gratuite :p car en général je ne relève pas et j’applaudis même une transformation physique pour un rôle, comme Vidya Balan dans The Dirty Picture, mais là, c’est du laisser aller à tous les niveaux et ça ne pardonne pas.
Marine : C’est pour qu’on aime encore plus Trisha ?
Gandhi Tata : Lol, non, je pense pas, car Trisha n’a besoin de rien :p et d’autre part, vu l’épaisseur (la minceur) du rôle d’Anushka, c’était davantage pour quelqu’un comme Kajal Aggarwal. Je pense que le choix d’Anushka, c’était pour ajouter une star supplémentaire au casting, car c’est un nom important, mais son rôle était hors-sujet. Anushka est faite pour des rôles plus consistants et matures maintenant, car d’une part, c’est l’une des meilleures actrices de l’industrie, et d’autre part, elle a passé l’âge de jouer les potiches.
Marine : Ouf, on a échappé à Kajal Argawal ! Tout sauf elle, pitié !
Gandhi Tata : *rires*
Marine : Côté musique, j’ai bien aimé la mélodie de Yaen Ennai où Anushka chante qu’elle veut un homme, un vrai. Mais en sortant de la salle, celle qui me restait dans la tête, c’était bien sûr Adhaaru Adhaaru. J’avais une envie folle d’esquisser les mêmes pas de danse qu’Ajith. Je crois qu’on m’a prise pour une tarée sur le parking.
Gandhi Tata : C’est drôle, mais j’ai aimé deux autres chansons de la bande son qui, au passage, est vraiment excellente. C’est Harris Jeyaraj, le compositeur fétiche du réalisateur, qui a renoué avec lui après une pause de quelques films, durant laquelle, des noms prestigieux comme A.R. Rahman et Ilaiyaraja l’ont remplacé chez Menon. Pour leurs retrouvailles tant attendues par les fans, le musicien a réservé ses meilleures cartouches avec deux magnifiques ballades, l’une — romantique — intitulée Mazhai Vara Pogudhae ; et l’autre, titrée Unakkenna Venum Sollu, beaucoup plus apaisante et qui évoque de très tendre manière la relation père—fille de Sathyadev et Isha. Finalement, la bande originale résume assez bien le style Gautham Vasudev Menon, avec une variété de sons, entre pop, électro, et des ballades aux mélodies imparables. La chanson titre, Yennai Arindal rappelle énormément Karka Karka de Vettaiyadu Vilaiyadu, au moment des faits d’armes du superflic Sathyadev.
Marine : Je ne sais pas si c’était l’effet recherché, mais tout du long du film je suis restée tendue, la première fois que je l’ai vu. C’est aussi pour ça qu’il faut que je regarde plusieurs fois ce genre de film. La seconde fois, je suis plus sereine. J’ai moins peur de ce qui va se passer, même si je reste scotchée à l’écran. Pour Arrambam, ça m’avait fait pareil, mais seulement pour la première partie. Une fois rassurée sur le compte du héros je n’avais plus la boule au ventre.
Gandhi Tata : Eh bien, c’est justement la volonté du réalisateur de faire ressentir au spectateur l’insécurité vécue des personnages et le caractère incertain de l’existence d’un policier. C’est prenant, et en même temps notre attachement aux personnages rend l’expérience saisissante. À chaque confrontation, moment de doute ou de peine, on est directement touché ou concerné par ce qui se joue dans l’histoire. C’est la preuve évidente, qu’une bonne écriture des personnages, mais aussi des situations, permet de créer un lien entre les spectateurs et les protagonistes du film. Gautham Vasudev Menon réussit haut la main cet exercice et le personnage de Sathyadev est de mon point de vue, l’un de ses plus beaux, avec celui de Krishnan dans Vaaranam Aayiram. Si le flic intelligent, incorruptible et dur à cuire, provoque à chacune de ses apparitions les applaudissements de la salle, c’est bien l’homme amoureux, le mari attentionné et le père dévoué qui conquiert le cœur des cinéphiles.
Marine : En cherchant à faire un résumé du film, je n’ai pas pu dépasser le « plusieurs années dans la vie d’un policier ». En fait, le film ne se concentre pas sur un évènement ou une enquête en particulier et c’est assez perturbant. C’est plus une tranche de vie. D’où les différents « looks » d’Ajith (je maintiens que le meilleur reste le look poivre et sel avec barbe de quatre à cinq jours).
Gandhi Tata : C’est assez drôle et révélateur ce que tu dis là, car Gautham Vasudev Menon avait démarré cette trilogie avec Kaakha Kaakha et le slogan du film était « An Episode in a Police Officer’s Life », et on suivait en parallèle la vie amoureuse et la chasse à l’homme mené par Anbuselvan, un lointain collègue de Sathyadev. À ce moment, je ne sais pas si le réalisateur projetait de faire une trilogie, mais l’idée de s’intéresser au quotidien d’un policier, et la façon dont son métier peut affecter sa vie de famille, est un leitmotiv qu’on a retrouvé dans les trois films et davantage dans Yennai Arindal où l’on n’a pas droit à une vie, mais à toutes les vies d’un flic, selon ses choix, son métier et surtout son amour pour les siens. Les différents looks du personnage suivent aussi son évolution, tant physique que professionnelle et familiale.
Marine : J’ai trouvé que le film était bon, mais il n’a pas l’air d’avoir très bien marché en France. Je suis déçue. Quand je vois qu’un film comme Anegan, qui est sorti une semaine plus tard, et dont la bande-annonce laissait présager le pire, est resté plus longtemps en salle, je ne comprends pas.
Gandhi Tata : Comme la plupart des films d’Ajith, ça démarre fort, mais je pense que le côté intimiste et humain, ne va pas forcément doper les entrées. Les gens aiment davantage les masalas outranciers que les polars réalistes. On sait d’ores et déjà que, Yennai Arindhaal s’adresse plus à un public urbain, qu’aux masses populaires. Cela ne m’étonne pas, car le cinéma de Gautham Vasudev Menon est plus sophistiqué, esthétique et sensible, comparé à des bourrins comme Hari (la série des Singam) par exemple.
Marine : D’accord. Moi, j’aime Ajith, j’aime Yennai Arinthal que j’ai trouvé bien fait. Et du coup, toi qui connais bien mieux le cinéma tamoul que moi, tu conclurais comment sur ce film ?
Gandhi Tata : Sur le plan technique, Yennai Arindhal soutient largement la comparaison avec les autres long-métrages de la trilogie. La photo de Dan Macarthur est exceptionnelle car il filme avec autant d’aisance et d’inspiration, les scènes d’action survoltée comme les magnifiques paysages de la chanson Unakenna Venum Sollu, où Sathyadev voyage avec sa petite fille, à Jodhpur, Jaipur, Chandigarh, Pelling et Gangtok. L’autre point fort du film, ce sont les chorégraphies martiales de Stunt Silva qui mettent l’accent sur les combats rapprochés et les gunfights. On est bien loin des standards du cinéma tamoul avec les bastons câblées et c’est une bonne chose, car ces corps-à-corps sont beaucoup plus réalistes et contribuent amplement à rendre dantesques les confrontations entre Sathyadev et Victor.
Tout en étant fidèle à son style et à sa trilogie, Gautham Vasudev Menon livre avec Yennai Arindhal, un des meilleurs films policiers du cinéma tamoul. Mais au-delà des scènes d’action efficaces et parfaitement réglées, c’est bien l’adversité entre Sathyadev et Victor qui retient toute notre attention. De la même manière, même si l’intrigue concernant la mission d’infiltration du gang de Victor est passionnante, la vie personnelle de Sathyadev est bien plus importante, grâce à sa double rencontre avec Hemanika et Isha. J’abhorre au plus haut point, la vision de la femme et des relations amoureuses dans le cinéma commercial tamoul, car c’est profondément rétrograde et cliché. De plus, on a rarement l’occasion de voir à l’écran une romance mature impliquant des personnages ayant dépassé la trentaine. Yennai Arindhal casse un peu tous ces poncifs et nous présente des personnages réalistes. Hemanika est une jeune mère célibataire connaissant les préjugés de la société indienne conservatrice, et Sathyadev est un homme honnête et véritablement amoureux qui ne cherche pas à ignorer cette réalité et éloigner la petite Isha. J’ai beaucoup aimé cette vision moderne de la famille ; et dans une région de l’Inde où des sujets comme la virginité ou l’émancipation de la femme font encore débat, il faut louer le courage d’un réalisateur comme Gautam Vasudev Menon qui essaye de faire avancer les choses, en les présentant avec sensibilité.