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La critique de Fantastikindia

Par Madhuri - le 11 août 2015

Note :
(8.5/10)

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Ca y est, cela va faire deux semaines qu’il est en salle le film indépendant indien de l’année,
Umrika. Et déjà, on lit beaucoup d’éloges et de critiques positives sur son compte.
On vous en avait déjà parlé sans savoir vraiment à quoi s’attendre. Mais bon, quand un film
débarque estampillé "Prix du public au Festival de Sundance", on sait d’avance qu’on peut y aller les yeux fermés… ou plutôt les yeux grands ouverts !

Umrika aborde plusieurs thèmes trés actuels et universels : l’immigration, la famille, la quête d’une vie meilleure, et tout cela est magnifiquement traité.
Le réalisateur Prashant Nair réussit un savant dosage de légèreté, humour et décalage tout au long de l’histoire, et bien que certaines scènes soient particulièrement tristes ou angoissantes (je pense notamment à la scène finale qui m’a laissée avec le cœur serré), on est happé par l’enchaînement des événements qui laisse peu de place aux lamentations.

Ambitieux Mr Nair ? Il a relevé en tous cas le pari risqué de tourner en pellicule !
Eh oui, en 2015, pleine ère du numérique, il s’est lancé dans l’aventure très complexe du super 16. Le tournage fut si difficile qu’il a déclaré qu’il s’agissait très certainement d’un des derniers films à être tourné en Inde en utilisant ce procédé.
Tout ce qu’on peut dire nous, c’est que le résultat en vaut vraiment la peine !
On se retrouve plongé instantanément dans les années 70-80, où le grain et la texture de l’image participent à cette ambiance entre rêve et documentaire.
La lumière est elle aussi très bien maîtrisée et magnifie les scènes d’intimité.

L’originalité du titre, qui fait référence à l’Amérique fantasmée par tout un village, pourrait
laisser penser qu’il s’agit d’un voyage aux Etats-unis. Il n’en est rien. Ce film a une grande part autobiographique en vrai. Prashant Nair est fils de diplomate et a de ce fait souvent voyagé depuis son plus jeune âge. Lorsqu’il est arrivé aux États-Unis il explique que l’image qu’il s’en faisait était très différente de la réalité. Ce pays, on a tellement l’habitude de le voir dans les films, les séries, de l’écouter à travers la musique, qu’on s’en fabrique sa propre image et qu’elle varie pour chacun d’entre nous. C’est aussi parce que, partout où il allait, on lui posait beaucoup de questions sur son pays d’origine, si "exotique", qu’il a voulu montrer à quel point tous les pays ont quelque chose d’exotique.

Si l’histoire est très bien ficelée et pleine de rebondissements, l’intensité des acteurs et la
qualité de leur prestation contribuent en grande partie au succès du film.
On est bien loin de Bollywood et les personnages ont ici une profondeur et une
complexité qui les rendent particulièrement attachants.

Ce village reculé de l’Inde est peuplé de gens bienveillants et solidaires qui partagent la fierté des parents dont le fils ainé Udai (Prateik Babbar), part en "Umrika". Comme un seul être, le village vit et respire au rythme des lettres et colis du fils qui s’est éloigné, l’occasion pour eux de se retrouver le soir au coin d’un grand feu et d’écouter le facteur lire les nouvelles de ce continent qu’ils sont émerveillés de découvrir. Ils en arrivent même à tester l’american way of life comme dans la scène drôle et tendre des saucisses "umrikaines". Et dire qu’à cette époque, internet n’existait pas et qu’on pouvait encore laisser place à son imagination…

L’attention de tous se focalise donc sur ce territoire inconnu et parmi eux, le petit frère Ramakhant (Suraj Sharma), lui aussi fasciné, essaie de trouver sa place, dans l’ombre d’un grand frère qui n’est plus là mais qui reste omniprésent dans le cœur de sa mère (Smita Tambe). On comprend très vite que cette situation sera le moteur du film. Et, devenu adulte, le petit garçon restera profondément marqué par cette Amérique et ce grand frère dont tout le monde parle.

L’acteur qui joue Ramakhant, Suraj Sharma, est d’une justesse impressionnante.
On ressent vraiment le poids qui pèse sur ses épaules et les préoccupations qu’il a pour sa famille. Il prend, au fil de l’histoire, de plus en plus de place et devient celui qui va finalement contenter tout le monde. Révélé par l’Odyssée de Pi en 2012, le jeune homme a aujourd’hui 22 ans et déjà une grande maturité l’habite.

Son comparse Tony Revolori, dans la peau de Lalu, est le petit grain de folie et l’épaule sur
laquelle s’appuie le personnage principal du film. Encore plus jeune que son partenaire, cet acteur américain a accompli un beau parcours et n’hésite pas à endosser des rôles de personnages aux origines éloignées de la sienne. Je pense par exemple à son rôle de Zéro dans The Grand Budapest Hotel, où on retrouve cet air facétieux et comique qui ne le lâche pas dans Umrika.

Le grand frère, Udai, est joué par un Prateik Babbar qu’on voit (trop) peu mais qui est au cœur du film. L’attention de tous est tellement focalisée sur lui, qu’il en devient le véritable personnage principal. Sa mère en oublie jusqu’à son deuxième fils, Ramakhant, qui vit dans l’ombre du grand frère et va jusqu’à sacrifier sa vie pour le retrouver.

La mère, parlons-en, est une femme austère, très dure avec son entourage.
Bornée et obnubilée par la perte de son fils aîné, elle se renferme peu à peu sur sa douleur et délaisse son foyer. Magnifiquement interprétée par Smita Tambe (actrice habituée des productions en langue marathi), sa présence plane, elle aussi, sur tout le film, du début à la fin. Car tout arrive par et pour elle.

En définitive, le réalisateur montre, par le biais de cette admirable intrigue familiale, comment mûrit la décision d’immigrer, influencée par l’entourage et le désir de prouver aux autres ce dont on est capable. Ramakhant passe sa jeunesse à chercher l’amour de sa mère, allant jusqu’à reprendre à son compte les espoirs que sa famille avait fondée sur son grand frère Udai.

La fin est poignante et, dans les dernières secondes, on quitte le domaine de la fable pour atterrir en plein sujet d’actualité.



Bande-annonce

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