Son of Sardaar
Langue | Hindi |
Genres | Comédie, Film d’action |
Dir. Photo | Aseem Bajaj |
Acteurs | Sanjay Dutt, Ajay Devgan, Juhi Chawla, Sonakshi Sinha, Tanuja, Vikas Bhalla |
Dir. Musical | Himesh Reshammiya |
Paroliers | Irshad Kamil, Shabbir Ahmed, Sameer, Manoj Yadav |
Chanteurs | Mika Singh, Yo Yo Honey Singh, Aman Trikha, Rahat Fateh Ali Khan, Mamta Sharma, Himesh Reshammiya, Amanpreet Ammy, Bhavya Pandit, Vineet Singh |
Producteurs | Ajay Devgan, N. R. Pachisia, Pravin Talreja |
Durée | 141 mn |
Avant même sa sortie en novembre 2012, le film d’Ashwni Dhir a fait l’objet de deux scandales qui ont certainement contribué à sa mauvaise réputation, sinon à sa carrière commerciale. Un an et demi après, les choses s’étant calmées, nous avons voulu vérifier par nous-même ce qu’il en était et si ce long métrage méritait autant de tapage, maintenant qu’on peut le regarder sans avoir à l’opposer systématiquement à Jab Tak Hai Jaan.
La trame est simple : Jassi Randhawa (Ajay Devgan) est un jeune Sikh installé à Londres, sympathique quoique bagarreur, plutôt bon à pas grand-chose. Il a subitement l’opportunité de retourner au Penjab dont il est originaire pour vendre la maison paternelle et en tirer un peu d’argent. Rien ne va se passer évidemment comme prévu. Peu de temps avant d’arriver, il fait la connaissance dans le train d’une jeune fille, Shukmeet Sandhu (Sonakshi Sinha), Shuk pour ses amis, dont il tombe instantanément amoureux… et chez laquelle il se rend, à son invitation.
Ce qu’il ignore et va découvrir rapidement, c’est qu’il a mis les pieds dans de vieilles querelles ancestrales et que Shuk appartient à la famille ennemie de la sienne. Certains de ses membres, dont Billu (Sanjay Dutt), attendent son retour depuis plus de 25 ans dans l’espoir de le supprimer, vengeant ainsi leur père qui avait été tué par celui de Jassi. Mais leur code d’honneur, très strict, les oblige par ailleurs à considérer comme sacré tout invité. La suite de l’intrigue tient en quelques mots : Comment va faire notre héros pour ne pas sortir de la maison des Sandhus qui ne rêvent que de lui faire franchir le seuil afin de pouvoir le massacrer ?
Non, non ! Il ne s’agit ici ni d’une tragédie, ni d’une nouvelle version de Roméo et Juliette, seulement d’une grosse farce. Et, comme il fallait une communauté à l’hospitalité et au sens de l’honneur légendaires pour servir de cadre à cette comédie d’action délirante, sans autre prétention que de divertir, les Sikhs étaient tout désignés. C’est là qu’est intervenue la première polémique. L’humour du film repose en grande partie sur les qualités ou travers supposés des Pendjabis et des Sikhs, égrenant tous les stéréotypes, tout au long de ses 2h 21. La communauté sikh s’est sentie offensée et a fait modifier ou couper certaines scènes. Vue d’ailleurs, la charge contre les Sikhs de Son Of Sardaar paraît pourtant peu sérieuse, et au contraire plutôt chaleureuse, peu différente des blagues juives contenues dans les Aventures de Rabbi Jacob. Mais ce film de 1973 pourrait-il encore être tourné aujourd’hui ?
La deuxième affaire concerne la date de sortie. Elle a coïncidé avec celle de la dernière œuvre de Yash Chopra. Jab Tak Hai Jaan a été accusé de faire une concurrence déloyale au film coproduit par Ajay Devgan, lequel n’a trouvé rien de mieux que d’attaquer en justice. Fantastikindia s’était penché en son temps sur cette querelle de gros sous. Le lien est ici. N’y revenons pas sinon pour confirmer qu’Ajay aurait mieux fait de s’abstenir. Il a lui-même créé artificiellement les conditions d’une comparaison qui n’avait pas lieu d’être et n’a pas joué en faveur de son film, même si les deux n’appartiennent pas à la même catégorie.
Comme première supériorité, JTHJ a un vrai scénario ce qui est loin d’être le cas de Son Of Sardaar. Ce dernier est le remake d’un film telugu de 2010, Maryada Ramanna, déjà repris en bengali en 2011, sous le titre Faande Poriya Boga Kaande Re, et lui-même inspiré par un film kannada de 2002, Balagalittu Olage Baa ! Et tous ces films ne sont que des décalques de la comédie américaine burlesque de 1923, les Lois de l’hospitalité, de et avec Buster Keaton. L’extrême originalité des scénaristes indiens est une fois de plus vérifiée. Aux dernières nouvelles, une version tamoul, Vallavanukku Pullum Aayudham, est attendue pour le 16 mai 2014.
Le metteur en scène a cru bon de pallier l’absence de scénario par une façon de filmer très « cartoonesque ». C’est sans doute ce qui a d’abord déçu les vrais amateurs de films d’action et a plutôt réjoui les autres. Les puristes qui s’attendaient à un autre Dabbang, y ont vu des effets spéciaux ratés, alors qu’il s’agissait d’un second degré tout à fait assumé. Par exemple, les personnages restent suspendus en l’air pendant quinze à vingt secondes avant de retomber, et de s’enfoncer dans le sol, leur image s’imprime sur l’objet qui les a frappé, comme dans les dessins animés. Quand le cheval de Billu fait les gros yeux et regarde en arrière lorsque Jassi-Ajay veut le monter, c’est presque Jolly Jumper. Cela donne lieu à quelques gags hilarants. L’arrivée de Salman Khan, dans son caméo du début, en est un qu’on ne dévoilera pas.
Ce côté absurde est dans la 1re moitié du film assez plaisant, lorsqu’on a accepté d’être aux côtés de Bugs Bunny et non à ceux de Jason Bourne. La scène de la noix de coco est franchement réussie, l’ahurissement du héros devant son exploit est très drôle, et si l’ensemble du film avait été à la hauteur, elle aurait eu de quoi devenir culte. Hélas, la répétition des gags, surtout dans la 2e partie, les courses-poursuites interminables, à pied, à cheval, en voiture, mettent à mal la patience du spectateur le mieux disposé qui s’ennuie. On excepte la première, celle qui met en scène un frère de Billu, Toni, joué par un Mukul Dev excellent. Il ne rate pas une porte (qu’il se prend dans la figure au moment où il passe), pas une échelle (qui se dérobe lorsqu’il redescend d’un toit), mais ça fonctionne et on rit vraiment.
À mettre encore au crédit du film, l’absence de vulgarité sous la ceinture qui plombe souvent d’assez bonnes comédies hindies. Peut-être parce que le film s’adresse plus à des enfants qu’à des adultes. Quant à la distribution, le physique des acteurs colle assez bien à cet esprit. Ajay Devgan, à qui le long turban des Sikhs va à merveille, a souvent cet air un peu niais mais gentil qui sied à son personnage, Sanjay Dutt, affublé d’une perruque longue et de moustaches tombantes (pour ceux qui douteraient qu’on est dans un cartoon), est plus Droopy que le vrai…
Pour ce qui est du jeu, ils font le job sans grande surprise et donnent parfois l’impression de s’ennuyer autant que le spectateur ; les effets spéciaux ne remplacent pas hélas la direction d’acteurs, elle aussi aux abonnés absents. En revanche, dans le rôle de Pammi, Juhi Chawla, qu’on a plaisir à revoir dans une comédie, montre une fois de plus une grande fraîcheur dans ses amusantes manœuvres pour arriver à épouser Billu qui ne pense qu’à sa vengeance. Tanuja se caricature elle-même dans le rôle de l’ancêtre un peu folle et qui a des curieuses pertes de mémoire. La moins bonne est Sonakshi Sinha, avec de faux airs de Preity Zinta dont elle n’a ni la belle énergie, ni la classe, et son expression se limite à quelques grimaces vite lassantes. Dommage !
La musique de Himmesh Reshammiya n’est pas non plus le point fort du film. Aucun morceau ne sort vraiment du lot, à l’exception de Tu Bichdann. On l’oublie dès le générique de fin affiché. Ce n’est pas l’ultime caméo de Salman Khan qui relève le niveau, avec son « Po Po » plutôt ridicule. Les acteurs y caquettent comme un troupeau d’oies qui a vu un renard ! Du second degré, peut-être ? Les chorégraphies sont relativement paresseuses et plombées par des couleurs de costumes franchement laides, des violets, bleu pétrole, marrons…, des tons ternes ou qui jurent entre eux.
Tout compte fait, Son Of Sardaar n’est pas le navet absolu qu’on a souvent caricaturé, et n’est pas si désagréable à regarder. Il arrive même que l’on rit de bon cœur. En tout cas, ce n’est pas le film le plus déshonorant de ces dernières années. Il est inégal. Si l’on consent à laisser son cerveau dans un tiroir et à retrouver son âme d’enfant, il a suffisamment de qualités pour mériter qu’on lui donne une chance et qu’on le glisse dans son lecteur DVD, par un après-midi pluvieux ou une soirée frisquette de printemps.