Raavan
Langue | Hindi |
Genre | Drame |
Dir. Photo | V. Manikandan, Santosh Sivan |
Acteurs | Aishwarya Rai Bachchan, Abhishek Bachchan, Vikram, Govinda, Priyamani, Ravi Kishan, Nikhil Dwivedi, Tejaswini Kolhapure |
Dir. Musical | A. R. Rahman |
Parolier | Gulzar |
Chanteurs | Sukhwinder Singh, Javed Ali, Rekha Bharadwaj, Karthik, Ila Arun, Kunal Ganjawala, Vijay Prakash, Sapna Awasthi, Ranjha Ranjha, Mustafa Kutoane, Am’nico, Reena Bhardwaj |
Producteurs | Sharada Trilok, Mani Ratnam |
Durée | 127 mn |
Dans l’épopée du Ramayana, le roi Rama (avatar du dieu Vishnu) est le mari de Sita (avatar de la déesse Lakshmi), l’un et l’autre incarnent l’homme et la femme parfaits. Ils vivent en exil pendant quatorze ans dans la forêt. Raavan (ou Raavana), le roi démon de Lanka, enlève un jour Sita, parce que le frère de Rama a coupé le nez de sa sœur Surpanakha.
Rama déclenche une guerre homérique pour libérer sa femme, aidé par le dieu singe Hanuman. Sita est entièrement dévouée à son mari et restera chaste bien qu’étant longtemps la captive du démon. Lorsqu’elle retrouve enfin son époux, celui-ci détourne les yeux car il la pense déshonorée. Sita demande alors à périr sur le bûcher, ne pouvant supporter l’affront. Mais elle sort du bûcher indemne et lavée de tout soupçon, car le dieu Agni (feu) détruit les impurs mais préserve les innocents. Rama se tourne alors vers Sita et affirme qu’il n’a jamais eu de doute, mais que le sacrifice du feu devant la foule était nécessaire pour qu’elle continue à être respectée par tous (source : Wikipedia).
Dans le film de Mani Ratnam (et son film jumeau en tamoul, Raavanan), on retrouve cette trame de façon très fidèle, seul le bûcher nous est épargné. Rama s’appelle Dev (Dev = Dieu). Policier, il vient d’arriver avec son épouse Ragini dans un coin perdu et compte bien stopper les activités de Beera, le démon (raavan) local qui fait sa loi dans la région. Beera (Abhishek Bachchan) enlève Ragini (Aishwarya Rai). Hanuman (Govinda) va guider Dev (Vikram) et l’aider à retrouver son épouse. Lors de flash-backs, on fera connaissance avec Jamuni (Priyamani), la sœur de Beera, et on découvrira le drame qui a déclenché l’enlèvement de Sita-Ragini.
Ce récit épique a inspiré de nombreux films indiens, de près ou de loin. Manifestement, Mani Ratnam a voulu le débarrasser de tout artifice et le livrer à l’état brut, au plus près de la légende, de ses archétypes, de ses archaïsmes et de son univers de jungle inhospitalière.
Le résultat est étonnant, déroutant, cela ne ressemble en rien à un film de Mani Ratnam aux dialogues étudiés, aux personnages ciselés, aux analyses socio-politiques aiguisées. Rien à voir ! C’est comme si Léonard de Vinci s’était mis à peindre à la truelle. Mona Lisa à la truelle, évidemment, c’est déconcertant. Autant qu’Aishwarya Rai trempée, maculée de boue et hagarde, autant qu’Abhishek Bachchan roulant les yeux sous une épaisse couche de boue-peinture de guerre. Les pauvres… Le tournage a dû être éprouvant, entre la pluie omniprésente, le maquillage et des personnages dont le descriptif doit tenir en deux phrases, il fallait s’appeler Mani Ratnam pour leur faire signer le contrat, tout autre réalisateur aurait fait fuir n’importe quelle star avec de telles conditions de travail.
Mais ils n’ont pas sacrifié des mois de dur labeur en vain, car le résultat mérite le détour. L’univers de jungle impitoyable est particulièrement bien rendu, non seulement le cadre, mais aussi les gens qui y vivent, ces hameaux perdus, ces guérilleros d’on ne sait quelle cause, maigres et en lambeaux, cette brutalité à la limite de l’inhumanité. On plonge en apnée dans cet univers dès les premières secondes du film, sans bien comprendre ce qui se passe, quels sont les enjeux, où l’on va… tout comme les gens que l’on croise, qui ne semblent pas être guidés par un but ou une idéologie, mais plutôt par des enchaînements d’actions-réactions, ballottés, malmenés par la vie, par les autres, par eux-mêmes. Étrange communauté, à laquelle on ne peut pas rester indifférent. Celle-ci s’humanise lors de la deuxième partie du film, lorsqu’on revient sur l’histoire de la sœur de Beera. Seul élément solaire du film, la charmante Priyamani réchauffe quelques scènes, tournées non dans la jungle, mais dans une jolie ville témoin d’un autre temps, Orchcha. On souffle un peu, et même Beera quitte ses airs néandertaliens à partir de là, s’autorisant l’expression de quelques émotions. Le scénario s’étoffe également, on a plaisir à renouer avec une trame, des événements construits, des causes et des effets… Le retour à la civilisation… avec toutes ses bassesses, ses vilenies, ses trahisons. Ah ! On retrouve là Mani Sir. Un peu tard, mais on apprécie d’autant plus.
Autre point, la musique d’AR Rahman colle parfaitement au film. Mais j’ai été tellement happée par les images que je n’ai aucun souvenir précis des mélodies (celles-ci ne m’avaient guère accrochée avant d’avoir vu le film, d’ailleurs). Dans la catégorie "soupape", dans un flash-back Aishwarya Rai nous rappelle qu’elle pratique bien joliment la danse classique indienne. Il y a très peu de clips bien sûr, mais Mani Ratnam arrive quand même à faire danser une danse guerrière à une bande de desperados dépenaillés en pleine jungle !
Raavan n’est pas un film facile, et il pourra en rebuter plus d’un. On reste sur sa faim côté "psychologie", relationnel, car le parti pris de la truelle, de la vie à l’état brut, ne laisse aucune place ou presque à la demi-mesure, à l’émotion qui affleure, au geste ébauché, au regard équivoque, quant aux sentiments n’en parlons pas, seules la colère et la peur arrivent jusqu’à nous. Dans Raavan c’est la douche froide en permanence, douche écossaise dans les meilleurs moments. Ce parti pris n’aide pas les acteurs, Abhishek en fait des tonnes mais on ne peut pas lui en vouloir, c’est son personnage et son metteur en scène qui, je suppose, lui dictaient ces grimaces, on sait qu’il est capable d’autre chose (dans le genre brute épaisse, je le préférais quand même dans Yuva, du même Mani Ratnam). Aishwarya s’en sort bien, dans la première partie elle cache sa peur en vociférant autant qu’elle peut, on sent autant la colère que la frousse bleue qui l’habitent, on perçoit bien la démesure entre cette frêle jeune femme et sa petite voix, et la force brute de ses ravisseurs. Et elle est très belle, même pleine de boue. Govinda en Hanuman est d’une étonnante agilité !!! Vikram en flic assure sans problème, mais "faciiile", il est le seul à jouer un rôle classique. J’aimerais le voir dans la version tamoule où il a le rôle de Beera, mais à l’idée de regarder un deuxième Raavan / Raavanan, j’avoue que le courage me manque. Cependant je ne regrette pas d’avoir vu ce film hors normes.
Vous pouvez lire la chronique de la version tamoule, Raavanan, ici.