Natarang
Traduction : Artiste
Langue | Marathi |
Genre | Drame |
Dir. Photo | Mahesh Limaye |
Acteurs | Atul Kulkarni, Sonalee Kulkarni, Kishor Kadam, Vibhawari Deshpande |
Dir. Musical | Ajay-Atul |
Parolier | Guru Thakur |
Chanteurs | Ajay Gogavale, Bela Shende, Ajay-Atul |
Producteurs | Nikhil Sane, Amit Phalke, Meghana Jadhav |
Durée | 122 mn |
Le cinéma marathi est en ce moment en train de reconstruire sa popularité.
Si sa proximité avec Mumbai et l’industrie bollywoodienne lui a fait de l’ombre dans les années 90, l’industrie cinématographique marathi a vu naître depuis les années 2000 des joyaux qui ont gagné la reconnaissance et la popularité au niveau national.
En 2004, le film Shwaas obtenait le national award du meilleur film et représentait l’Inde aux Oscars. En 2009, le surprenant Harishchandrachi Factory l’imitait en devenant le second film marathi à représenter l’Inde, et de plus recevait de nombreux prix à travers divers festivals.
La même année, Jogwa recevait les national awards du meilleur acteur, de la meilleure musique et du meilleur film social.
Après des films comme Vihir, Me Shivajiraje Bhosale Boltoy, Nirop, Valu ou Gabhiricha Paus, on peut voir que le cinéma marathi est en plein renouveau, et le film Natarang le prouve.
Dans les années 70, dans l’état du Maharashtra, Guna Kagalkar (Atul Kulkarni) est un fermier plutôt pauvre qui nourrit sa famille composée de sa femme et ses deux enfants. Sa passion dévorante pour le tamasha, un art théâtral populaire en Maharashtra, va le mener à monter sa troupe. Petit à petit, à cause notamment de la précarité des conditions des paysans, Guna va croire en son projet et s’investir au maximum en écrivant les pièces de théâtre et en interprétant le rôle principal.
Sa volonté d’intégrer des personnages féminins à la troupe va l’amener à rencontre Naina (Sonalee Kulkarni) dont la mère était jadis très proche de Guna. Naina aura l’idée d’intégrer un personnage masculin efféminé, un "panzy", souvent représenté dans les films par des eunuques. D’apparence bourrue, Guna va accepter de se sacrifier pour le rôle dont personne ne veut, dans l’espoir d’attirer le public et de vivre de sa passion…
Adapté d’une nouvelle écrite par Dr. Anand Yadav (qui exprima d’ailleurs son admiration pour le film), Natarang aborde un sujet original et délicat qui demandait une attention scénaristique particulière pour ne pas basculer dans le cliché ou le pathos. On a du mal à croire qu’il s’agit du premier long métrage de Ravi Jadhav, tant sa maîtrise est flagrante.
On a ainsi droit à des scènes de bravoure tout au long du film, que ce soient les représentations théâtrales si réussies, les moments intimes partagés par Guna et Naina ou la métamorphose spectaculaire de son interprète principal.
Atul Kulkarni, acteur bien connu des amateurs de productions hindi, réalise tout simplement une prouesse digne des plus grands. Sa transformation est bluffante, que ce soit dans sa gestuelle, son langage corporel, sa voix et même son physique. Partant d’un physique imposant, l’acteur s’est investi en prenant des kilos et en les perdant pour prendre l’apparence d’un être frêle, fragile et tourmenté. Il est d’ailleurs très impressionnant d’intensité dans certaines scènes dramatiques.
Celui qu’on avait pu admirer dans des films comme Chandni Bar, Rang De Basanti ou Hey Ram démontre toute l’étendue de son talent, et devrait, sans surprise, concourir activement pour le national award du meilleur acteur.
Si sa prestation domine l’écran, les acteurs et actrices l’accompagnant sont sans reproche.
Sonalee Kulkarni (à ne pas confondre avec la célèbre Sonali Kulkarni) est fort troublante. Très énigmatique, elle ne dévoile ses sentiments qu’au fur et à mesure que le film avance. Elle excelle réellement dans les scènes de danse et nous fait profiter de son regard magnétique.
Les villageois, la femme de Guna ou même son producteur tiraillé entre son amitié pour Guna et les roupies, pratiquement tous les acteurs secondaires sont crédibles et jouent juste.
Les politiciens et mafieux du film ne sont pas tous irréprochables, mais ne sont pas non plus aidés par le script qui se révèle un peu plus faible dans la partie consacrée aux corruptions politiques.
Techniquement très réussi (photographie superbe, montage très affûté), le film bénéficie également d’un atout non négligeable : une fantastique musique. Le duo de compositeurs Ajay-Atul livre une partition impressionnante. Empruntant grandement à la musique traditionnelle marathi, les exubérants frères Gogavale signent des arrangements de haute volée avec une variété d’instruments traditionnels. Des mélodies folkloriques et puissantes, des changements de rythme et des paroles en totale adéquation avec le film, voici des qualités qu’on aimerait voir bien plus souvent.
Le duo avait déjà œuvré à Bollywood avec Gayab et Viruddh, mais il faut bien avouer qu’après l’impressionnant Jogwa en 2009, les frangins privilégient le cinéma marathi pour se transcender. N’ayons pas peur de dire que cette musique dépasse largement les bandes originales hindi, tamoules ou telugus de ces dernières années, se mêlant facilement aux classiques de la musique indienne.
Vous l’aurez compris, impossible de passer à côté de Natarang si vous êtes amoureux du cinéma de qualité et original. Loin des remakes bollywoodiens ou des masala tamouls ou telugus, le film aborde plusieurs sujets avec une sensibilité et un regard inédit, mais reste divertissant en proposant des scènes théâtrales et de danse de grande qualité, et une bande originale magistrale.