Junoon
Traduction : Obsession
Langue | Hindi |
Genres | Films semi-commerciaux, Film historique |
Dir. Photo | Govind Nihalani |
Acteurs | Naseeruddin Shah, Shabana Azmi, Shashi Kapoor, Kulbhushan Kharbanda, Jennifer Kendal, Sushma Seth, Tom Alter, Nafisa Ali |
Dir. Musical | Vanraj Bhatia |
Paroliers | Amir Khusro, Yogesh Praveen, Jigar Moradabadi |
Chanteurs | Asha Bhosle, Mohammad Rafi, Jameel Ahmed, Jennifer Kendal, Sharon Prabhakar, Varsha Bhosle |
Producteur | Shashi Kapoor |
Durée | 140 mn |
1857. Mangal Pandey a été pendu mais la révolte continue de s’étendre en Inde. Dans ce village reculé, où vit une petite communauté d’Anglais, la tension monte. Ruth (Nafisa Ali), une adolescente anglaise, est terrorisée par un Indien dont elle ne fait qu’entrevoir la silhouette à cheval, mais qui semble la surveiller et qui hante ses cauchemars.
Un dimanche, des indépendantistes attaquent l’église et tuent tous les hommes, dont le père de Ruth. Elle trouve refuge avec sa mère et sa grand-mère, chez un ami de la famille, Mohanlal (Kulbhushan Kharbanda).
Mais elles sont bientôt découvertes par les combattants et faites prisonnières chez Javed (Shashi Kapoor), qui n’est autre que la silhouette entrevue par Ruth. Elles trouveront cependant une alliée involontaire en l’épouse de Javed, Firdaus (Shabana Azmi), pas vraiment heureuse de partager son toit avec ces étrangères.
Junoon signifie "obsession". Celle que Javed ressent envers Ruth et qui le rend étranger à lui-même et à son entourage, en pleine guerre contre l’occupant, alors que tous attendent de lui qu’il se conduise en digne guerrier Pathan. Mais lui est amoureux, de façon irraisonnée, irrépressible. Il aime Ruth, il la veut, mais c’est un homme d’honneur, il ne la prendra que si sa mère consent à ce qu’il l’épouse.
Le personnage féminin principal n’est pas Ruth, mais sa mère, incarnée par Jennifer Kendal, qui veille sur sa fille et sur sa propre mère, et se dresse face à Javed, s’oppose à lui tout en étant consciente de sa propre vulnérabilité. La guerre engagée entre Javed et Mariam fait écho à l’autre guerre.
L’affrontement reste cependant très retenu, nous sommes entre personnes bien élevées et c’est peut-être la faiblesse du film, mais c’est aussi ce qui fait son charme, ce maintien aristocratique des deux côtés, le Chevalier Pathan d’un côté, la Dame anglaise de l’autre.
L’aiguillon de leur lutte est d’une part l’obsession qui ravage Javed, et d’autre part Sarfaraz (Naseeruddin Shah), le meneur local de la révolte, qui ne supporte pas l’attitude de son beau-frère et sa faiblesse qu’il fustige, s’en prenant à ses pigeons pour ne pas avoir à s’en prendre à Ruth. Un personnage violent mais qui laisse entrevoir son humanisme, un rôle à la mesure de ce grand acteur.
Même si des civilisations s’affrontent et se déchirent, la vie continue, incarnée par la tante de Javed et sa jeune belle-fille de l’âge de Ruth, chez qui les trois Anglaises trouvent refuge. Une complicité féminine toute simple qui ne tient compte ni de la politique ni de la nationalité, et forme comme une oasis au milieu de toutes ces tensions.
Dans Junoon, il n’y a pas de clip, mais un beau thème musical vient rythmer le film, un chanteur aveugle mi-prophète mi-devin chante sous le banian, les jeunes filles échangent des chansons populaires, l’une indienne, l’autre anglaise… Il n’y a pas non plus de romance au sens classique du terme.
Il s’agit d’un film atypique à plus d’un titre, plus proche des films de James Ivory (Shakespeare Wallah, Chaleur et Poussière), que des films Bollywood.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard : Junoon est le premier film produit par Shashi Kapoor, acteur fétiche de James Ivory avec lequel il a tourné quatre films, dont deux avec son épouse Jennifer Kendal - Kapoor. On retrouve dans Junoon la classe des films de James Ivory, le respect mutuel entre Indiens et Anglais, sur le plan personnel et culturel.
On y trouve aussi la patte du réalisateur Shyam Benegal->, cinéaste-phare de la nouvelle vague indienne, qui sait nous faire entrer dans le film, rendre les personnages attachants, nous faire croire à cette histoire, vibrer avec Javed, Ruth, Mariam, Firdaus, Sarfaraz et les autres. Un soin tout particulier est apporté aux décors, aux costumes, à l’image, superbe, avec un sens de la lumière remarquable. A aucun moment on ne se croit dans un décor de cinéma, tout semble avoir été tourné en extérieurs, dans de véritables haveli. Shashi Kapoor raconte qu’il a investi énormément dans ce film, le premier qu’il produisait, il a embauché les meilleurs, il le voulait irréprochable, digne du clan Kapoor.
Junoon ne produit pas le même impact qu’un film de Raj Kapoor, mais il n’a pas démérité : il a remporté 3 National Film Awards en 1979 : meilleur long-métrage en hindi, meilleure image, meilleur son. Il a remporté pas moins de 6 Filmfare Awards en 1980 : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleurs dialogues, meilleur montage, meilleure image, meilleur son. Naseeruddin Shah et Jennifer Kendal ont été nominés pour les meilleurs seconds rôles.
Le film a également fait une carrière honorable dans les festivals : Montréal, Le Caire, Sydney, Melbourne, Moscou…
Junoon n’est certes pas un film d’action même si quelques scènes de bataille viennent rappeler la dure réalité du contexte. Il s’agit plutôt d’une sorte d’ode humaniste pleine de charme, qui met en valeur une certaine façon de vivre et d’aimer, très éloignée de notre époque démonstrative et pressée.
Le scénario de Shyam Benegal est inspiré d’un roman de Ruskin Bond, Flight of the Pigeons (le vol des pigeons).