Dhokha
Traduction : La trahison de l'être aimé
Langue | Hindi |
Genre | Thriller |
Dir. Photo | Anshuman Mahaley |
Acteurs | Anupam Kher, Gulshan Grover, Muzammil Ibrahim, Tulip Joshi, Aushima Sawhney |
Dir. Musical | M.M. Kareem, Shiraz Uppal |
Paroliers | Shakeel Azmi, Khushbir Singh Shaad, Bharat Bhushan Pant |
Chanteurs | Shreya Ghoshal, KK, Shiraz Uppal, M. M. Keeravani, Rafaqat Ali Khan |
Producteur | Mukesh Bhatt |
Durée | 117 mn |
Dhokha parle d’un jeune policier musulman qui découvre que sa femme est une terroriste. Postulat de départ assez intéressant, pour un film produit par Mahesh Bhatt qui nous a plus habitués à des histoires sulfureuses entre époux jaloux, amant téméraire et femme indécise.
Il ne s’éloigne pas de ses principales préoccupations, à savoir la place de la communauté musulmane dans la société indienne et le rapprochement entre l’Inde et le Pakistan. Mahesh Bhatt est l’un des premiers cinéastes (si ce n’est le premier) au monde à avoir annoncé produire un film sur la vie de Benazir Bhutto, quelques jours après son assassinat. Réalisé par sa fille Pooja, Dhokha essaie de faire la part des choses en montrant la dualité permanente d’une situation complexe : musulmans modérés et islamistes, tolérants et intolérants, justice et injustice.
Après avoir essayé de s’unir avec une Hindoue dans une Inde encore sous le choc du 11 Septembre (un flash-back nous montre les tours s’écrouler et briser du même coup leur histoire), le héros, Zaid Ahmed Khan, se plie aux exigences de la société. Il épouse après leur rupture une jeune musulmane appelée Sarah. Conformément à la tradition indienne, un mariage avec un partenaire vous ressemblant en tout point permet de vous préserver des tensions dues à l’alliance de deux cultures qui s’opposent. Pourtant cet a priori vole en éclats, et avec lui toutes les certitudes de Zaid sur sa vie de couple, alors qu’il découvre atterré le gouffre qui le sépare de sa femme. Il apprend en effet médusé qu’elle est l’auteur d’un attentat-suicide ! Rejeté par sa hiérarchie, manquant de se faire lyncher par une foule en colère, Zaid n’a d’autre choix que d’enquêter tout seul pour trouver des réponses.
Le film nous explique que nous somme tous égaux face à l’horreur et tous victimes lorsque la violence aveugle frappe. Pooja Bhatt ne cesse d’ailleurs de faire des parallélismes (peu subtils mais efficaces) entre les communautés musulmane et hindoue pour présenter le constat le plus équilibré possible. A la scène où Zaid donne son sang à une jeune Hindoue alors que son père l’insulte y répond une autre, montrant un musulman refuser de sortir de sa voiture pour être fouillé par la police par peur de représailles. Lorsqu’elle montre d’un côté les dégâts commis par les islamistes, elle n’omet pas d’introduire un extrémiste de l’autre bord : un ami proche de Zaid qui se détourne de lui une fois qu’il est arrêté. La réalisatrice n’hésite pas non plus à mettre sur le banc des accusés la justice indienne parfois partiale, à laquelle elle reproche à travers son film d’être responsable de la création de jeunes frustrés et influençables.
Son but est enfin de montrer clairement l’opposition entre deux groupes très distincts : les islamistes et les musulmans modérés. Ils se livrent ici à un dialogue de sourds illustré par la conversation de Zaid avec un terroriste dont les propos absurdes le laissent sans voix. Il est d’ailleurs important dans cette scène que Zaid perde la bataille des mots. Par souci de réalisme sans doute, la cinéaste n’en fait pas un ange salvateur qui, avec quelques paroles, peut arriver à semer le doute dans l’esprit d’un terroriste convaincu. Bien au contraire, il est important que Zaid garde l’image d’un héros ordinaire incapable de comprendre cette violence.
Ce qu’elle fait avec le plaidoyer final est malheureusement discutable car cela confère une résolution naïve à son histoire. A force de vouloir tout dénoncer, terrorisme, injustice et corruption, Pooja Bhatt perd de vue son sujet principal. Le dénouement paraît donc décevant puisqu’il n’apporte une réponse qu’à un seul des thèmes abordés, et celui-ci n’est pas le sujet majeur du film.
Pourtant, malgré cette fin peu crédible, le long-métrage satisfait nos attentes. Nous découvrons de nouveaux visages, comme celui du mannequin Muzammil Ibrahim, dont c’est la première apparition au cinéma. La difficulté pour les jeunes premiers est de se voir offrir des rôles exigeants dès leur entrée dans le bain. Rarement impressionnants, ils arrivent pourtant à proposer des prestations dont ils n’ont pas à rougir. Ce qui est le cas de Muzammil, qui ne démérite pas, même si un acteur avec plus d’expérience aurait mené le film vers d’autres sommets. Il est regrettable aussi que son personnage soit le seul qui ait une véritable profondeur. Sarah, interprétée par la charmante Tulip Joshi, a peu de dialogues et n’existe que dans les souvenirs de son mari ou de son grand-père. Nandini, interprétée par Aushima Sawhney, est un personnage dispensable, rajouté parce qu’il est impensable de laisser le héros soupirer 1h 30 auprès d’une femme morte. Gulshan Grover joue une caricature supportable du policier retors, et Anupam Kher fait un caméo touchant.
Le gros point fort du film, comme souvent dans les productions Bhatt, ce sont les chansons. Elles sont superbes et ont le mérite de rester dans le ton du récit. Pas de scène de dance-floor forcée, juste des complaintes mélancoliques sur des moments de bonheur passés, ou de tristesse due à la perte et à la trahison. Mention spéciale pour « Anjana dil kya jane », une chanson middle-tempo qui coupe la poire en deux entre les fans de ballade et les défenseurs du disco bangra.
En définitive, Dhokha n’a rien de transcendant. Mais les productions Vishesh Films n’ont jamais eu l’ambition de devenir cultes. Juste de créer une niche aux œuvres à moyen budget sur les écrans indiens entre la dernière comédie potache hinglish et le gros blockbuster. Cette ambition se concrétise pas à pas, grâce au succès critique et parfois commercial de ces films qui ont cessé d’être « des flops d’attentes » entre les deux grosses sorties du mois. La qualité de ces œuvres du milieu est peut-être le véritable baromètre du cinéma indien, puisque leur audace, après avoir repoussé les barrières de la pudeur à Bollywood, devient aujourd’hui la preuve de la recherche de plus de profondeur dans les films commerciaux.